Lumière sur āsana et le yoga selon Patañjali

 

Patañjali définit l’āsana dans les deux premiers pāda de son œuvre : les sūtra de Patañjali.

Le mot « pāda » possède plusieurs significations dont le pied, le pas d’un homme,  un chapitre, ou un pas de vis. Cette dernière définition rend bien la logique concentrique en spirale de la dialectique orientale dans laquelle chaque chapitre approfondit un point mentionné dans le chapitre précédent. Il y a aussi le jeu des forces centripètes et centrifuges en jeu par la symbolique de l’écrou et du boulon, etc. 

 

 

Voici les sūtra qui concernent āsana : 

 

I.21 tīvrasaṃvegānām āsannaḥ

Pour les doués (samvega) qui sont ardents (tīvra), il y a "l'assise" (du samādhi āsannaḥ),

Dans le premier chapitre, āsana est défini prioritairement comme une attitude intérieure, énergétique et comportementale.

 

II.46. sthirasukhamāsanam

L’assise propice à la méditation (āsana) est ferme (sthira), confortable (sukha).

 

Dans le second chapitre, āsana est le troisième membre du yoga à huit membres et il se situe, dans l’œuvre écrite , au centre de l’ouvrage comme si le corps était le réceptacle, le point d’appui de toute l’expérience de la vie. La posture de yoga s’enracine donc sur une attitude mentale qui sous-tend l’ensemble de la pratique.

 

Celle-ci vise la stabilité confortable du corps dans toutes les positions adoptées pour cheminer en yoga (Y.S. II. 46). Il s’agit d’accomplir un effort pour arriver au confort dans la posture en vue de devenir fort. L’effort est une recherche de plaisir dans l’endurance qui culmine dans une certaine aisance. Seule la pratique régulière permet au corps d’acquérir les dispositions nécessaires pour accomplir les postures dans l’aisance. 

 

Cette approche n’exclut pas le respect de son corps. Toutes les postures ne sont pas bonnes pour tout le monde ! Chacun doit évoluer dans sa pratique en fonction de son tempérament et donc de son aptitude. En effet la première condition pour être en yoga est de respecter l’injonction d’« ahimsā », la non-nuisance.

Au début de la pratique, tirer, soulever, étirer, élargir, ouvrir, redresser, allonger, contracter, décontracter, etc. sont des aides nécessaires pour découvrir la capacité à simplement se poser là comme ça.

 

Ainsi, donc en yoga, il y a lieu d’abandonner le sentiment de combat, de lutte ou de conquête : āsana est un accomplissement par maturation ! 

 

II.47. prayatnaśaithilyānantyasamāpattibhyām

(āsana est réalisé) par, d’une part l’effort (pratyatna) et le relâchement (śaithilya), d’autre part une méditation (samāpatti) sur l’infini (ananta).

 

Lorsque la posture est apprivoisée et que le plaisir reste présent dans la pratique, alors le yogi peut relâcher la concentration sur l’effort physique pour l’orienter vers l’infini, c’est-à-dire sur le ressenti corporel dans l’instant présent tel qu’il se présente à la conscience. Il s’agit d’un premier rendez-vous avec son être.

 

II.48. tato dvandvānabhighātaḥ

En conséquence (tata), on ne subit plus de dommages (anabhighāta) de la part des paires d’opposés (dvandva)

 

Quand ce rendez-vous avec soi a lieu, l’espace et le temps se dissolvent dans l’ouvert de la  conscience et la sérénité de l’unité fondamentale peut émerger dans une claire vision intérieure.

 

Au-delà de la pure pratique corporelle se trouve le prāṇāyāma qui est d’une part la recherche de la maîtrise du métabolisme corporel et d’autre part la compréhension du lien entre les champs de conscience et la respiration en vue de la coercition des états d’âme.

 

Au-delà de la pratique du prāṇāyāma, le yoga propose le refrènement des sens en vue de leur maîtrise pour ne plus vivre dans la réaction due aux stimuli extérieurs mais plutôt poser les actes à partir de son propre élan venant du cœur ayant discerné la réalité dans sa nudité (sans affect psychologique).

 

retour

  

"Il y a hors de cet univers, au-delà de ce que les facultés humaines peuvent saisir, une réalité à laquelle correspond dans le cœur humain l'exigence de bien total qui se trouve en tout homme."

 

Simone Weil dans l'Enracinement, extrait du livre de François Chang - 'De l'âme' aux Éditions Albin Michel page 132.